Alfredo PINA (1883-1966) « Le Baiser »

Une Ode à l’Amour Éternel

L’œuvre présentée ici peut être assimilée aux « Deux amants punis » par Dante pour s’être aimés contre la loi de Dieu

Cette sculpture représente les corps tourmentés de ces deux personnages enlacés dans une étreinte passionnée. Les amants entrelacés, recroquevillés et passionnément amoureux dans ce mouvement donne à ce bronze une puissance et une sensualité palpable.

Les détails minutieux, tels que les mains enlacées, les visages rapprochés, ajoutent une dimension réaliste à l’œuvre et l’on retrouve le talent de Pina dans sa quête à transcrire une anatomie précise empreinte du langage Rodinien

Sans jamais se défaire complètement de l’influence du Maître, Auguste Rodin, Alfredo Pina est connu pour son style unique et sa capacité à donner vie à ses sculptures. Il puise son inspiration dans les émotions humaines et crée des œuvres qui touchent le cœur des collectionneurs et amateurs d’art.

Le plâtre original fut édité en bronze à la cire perdue par Arthur Goldscheider (1874-1948), fonte contrôlée par l’artiste, rectifiée et signée dans la cire.

Sa patine noir brillant fait particulièrement ressortir la force de l’étreinte de deux corps inséparables.

Parmi les nombreux sculpteurs italiens qui à différents titres (élèves, praticiens, collaborateurs) ont franchi la porte de l’Atelier de Rodin, le cas du sculpteur milanais Alfredo Pina (Milan, 1883 – Mesves sur Loire, 1966) est emblématique. Il est l’un des rares à avoir su progressivement construire une carrière autonome, toujours en équilibre entre la France et l’Italie.

Alfredo Pina débute sa formation à Milan à l’Académie des Beaux-Arts et obtient en 1904 le Grand Prix National de la sculpture (équivalent du prix de Rome) ; distinction qui consacre avec éclat son jeune talent.

Il suit les cours d’anatomie artistique auprès du Professeur Broggi.

Il expose très tôt ses premières œuvres à Milan, où il est remarqué par l’architecte bolonais Paolo Sironi. Ce dernier lui confie la décoration sculptée de la villa et des jardins du comte Conti, à Porto Civita Nova, dans les Marches, que Pina ornent de statues.

Dès 1907, il est à Rome, où il séjourne environ 3 ans, travaillant et étudiant à la fois. Il entre alors en contact avec le milieu artistique romain cosmopolite, notamment des français qui l’encouragent dans son désir de connaître Paris, une ville où il s’installa en 1911.

Soutenu par le mécénat de la comtesse de Trévise, il obtient grâce à cette dernière un atelier dans le château des Imbergères, à Sceaux.
Les résultats de cette intense période de travail, faite surtout de portrait (Capet, Herriot, Tolstoï, Beethoven) sont exposés régulièrement au Salon des Artistes Français ainsi qu’au Salon d’Automne, à partir de 1911, avec l’aide du Fondeur Valsuani.

En 1913, son buste du député Jean Langlois est remarqué par Auguste Rodin qui propose au jeune italien d’intégrer son atelier. Il y restera jusqu’à la mort du maître, en 1917, et devient un fidèle épigone du langage rodinien.

La leçon du français est reconnaissable dans l’œuvre de Pina, dans le modèle inquiet et vigoureux qui rend les superficies sensibles aux jeux de lumière, dans le goût pour le fragment, ainsi que dans la reprise des mêmes thématiques (Le Baiser, La Douleur, La Danse, Tête de Gorgone).

Mais la dette envers l’œuvre de Rodin trouve sa plus grande expression dans le majestueux projet du Monument de Dante Alighieri. Étrange histoire que cette œuvre considérée comme la plus importante de Pina car il s’agit d’une œuvre qui n’a jamais existé. L’ampleur et la célébrité de son projet ont survécu à sa réalisation. Le monument est connu grâce à une série de dessins et d’esquisses préparatoires maintenant conservés au musée de la Charité sur Loire, ville dans laquelle Pina a passé une bonne partie de sa vie.

À la fin de la guerre, Pina s’installe à Montparnasse où il loue un atelier, rue du Maine, attenant à celui d’Antoine Bourdelle. En décembre 1920, la Galerie Allard lui consacre une exposition rétrospective de ses œuvres qui connaît un grand succès.

Clément Morro, le critique de la Revue Moderne des Arts et de la Vie, le soutient et n’hésite pas à citer les propos d’un ami écrivain et critique du Salon d’Automne de 1921 : « Je regrette moins la mort de Rodin lorsque je regarde les œuvres de Pina. »

Fort de son succès acquis à Paris, En 1920, Pina choisit de participer pour la première fois à la XIIe Biennale de Venise, un des rendez-vous artistiques les plus importants d’Italie. Une nouvelle fois, sa sculpture est accueillie avec enthousiasme.

Cette reconnaissance impose Pina sur la scène artistique italienne.

En 1922, il obtient ainsi une invitation pour la XIIIe Biennale, où il expose deux marbres fortement inspirés par le modèle rodinien.

De retour en France en 1929, Alfredo Pina découvre la Nièvre et achète une maison à Mesves-sur-Loire et fonde la Société anonyme des Carrières Réunies de la Nièvre qui exploitait des gisements à Malvaux, Pouilly sur Loire et Garchy. L’acquisition de ces carrières lui permet de répondre à des commandes de monuments aux morts pour les communes environnantes. (Bulzy, Mesves-sur-Loire, Donzy, Perroy ..)

Puis, Il s’installe définitivement à Mesves-sur-Loire avec sa femme Antoinette Meunier et obtient la nationalité française.

Il finira ses jours sur cette terre d’adoption en 1966.

À sa mort, ses amis interviennent afin que son œuvre soit préservé. Une préemption de l’état évite la dispersion de ses sculptures qui sont acquises par le Musée National d’Art Moderne et déposé au Musée Municipal de La Charité sur Loire.

Bibliographie :

  • Les épigones italiens d’Auguste Rodin et la question du monument public à travers un exemple : Le Monument a Dante Alighieri d’Alfredo Pina par Barbara Musetti – Bulletin de l’AHAI n° 11
  • Musée Auguste Grasset à Varzy (58) – Exposition « Un sculpteur entre l’Italie et la Nièvre »
  • Musée municipal de la Charité sur Loire